samedi 7 mars 2020

Au débotté

En France, en 2020, puisqu'il n'y a ni Europe ni Monde, l'état d'urgence pourrait mobiliser, par exemple, et il n'est pas dit ici que ce schéma serait adapté aux soucis que nous avons présentement, rapidement mais progressivement -disons une semaine- : les actifs de 15 à 55 ans, les actifs cadres, les fonctionnaires actifs ou non, les volontaires, futurs fonctionnaires. On ne rentre pas chez soi. Il n'est pas dit non plus ici que cette réponse, humaniste et non financière, comme notre gouvernement, n'en implique pas d'autres, à suivre, un brin plus sévères et naturelles. Couvre feu internaute pour les autres. Mais vrai, l'état d'urgence civil a cinquante ans de retard.

Ton pas

C'est ainsi. Il en est d'entre nous qui ne se sentent vivre qu'ivres, ils ne supportent vivre que dans le terrible ou le sublime. Ils méprisent tout le reste, tout reste. J'en suis. Ce n'est pas le problème. Le problème est que je suis aussi un être rationnel ; que je peux l'être extrêmement, paraît-il, même si je n'y crois le plus souvent pas. Et qu'au plus loin, au plus profond que je sois allé dans la raison, dans ma raison toujours victorieuse en dehors et toujours défaite par elle-même, et hélas assez vite mais n'empêche; tout va vers ce qui suit, ou vers le silence : la survie immédiate exigera le sublime. Et pour avoir le sublime, il faut risquer le terrible. L'engeance anarchiste vraie est la seule solution vraie. Et elle n'est pas encore assez, loin de là et si près pourtant, prête, complète, conséquente, affutée, généreuse, intransigeante, souple, humaine. Naturelle comme elle. Vénérant ses lacunes, ses lagunes. Bien sûr on pourra arguer que cette quête est sans fin, donc sans propos et à exclure. C'est faux. Tout ce qui a été fait de valable, de bon, de beau, l'a été par des êtres imparfaits, non au bout de leur exigence de sagesse, mais poussés à bout par l'urgence. Le contrôle ajourne les dégâts et les augmente, en même temps que de séduire. Il est folie promise, au dedans ou au dehors. Il est îlots d'inconséquences pures, au même titre, à l'exact même titre, que le laisser-aller. Ce au même titre, à l'exact même titre, qu'agir prévaut sur écrire. Nul ne peut dire qu'écrire prévaut sur agir et ce cercle imbrisable est bienheureux. Car nous sommes des bulles thermodynamiques, et il y a comme un transfert, partiel en qualité et, ou, en quantité, d'entropies. Nous allons invariablement vers l'essoufflement, l'anoxie, et si je me permettais un trait d'humour, si ce n'est de rhumatismes, les douleurs et les courbatures. C'est ce qui nous déclenche, tôt ou tard, jusqu'au grand saut, des feuilles mortes comme des glands, dans le grand fleuve de culture, humus et limon. En attendant de devenir feuilles ou glands, mûrs dans les saveurs de l'automne ou verts sous giboulées déchaînées, nous pouvons nous tenir debouts, et même courir sur la berge, évidemment les pieds nus dans le sable pour l'image, comme des guerriers ou comme des amants, vers la source ou en petites rondes et parades ce qui revient au même, et pourrait y revenir, y devenir, plus encore. Il ne tient pas qu'à moi. Il n'y a plus à tordre, il s'agit de sauver ce qui peut l'être en s'en vengeant un brin. Mais qui a déjà vu deux guerriers philosophes, se complétant au quart de poil, ayant à si peu près tout surmonté de leurs penchants, courant et s'élançant ensemble ? Autant demander : qui sait aimer la vase ? Qui sait vraiment, dans les embruns, dans l'air marin, trouver jusqu'au souffle des montagnes, y entend pierres rouler sous l'élégance des chevreaux ; y songe à la neige, tourbillonnante ou amassée ; y refuse tous les dangers et les douleurs du monde ? Nul. Et qui aura la malchance de voir deux amants utiles ? Ne craignez rien, du moins de ce coté là. On ne voit que ce que l'on peut voir. Viens donc à moi quoiqu'il arrive femme nouvelle, seconde moitié de ma vie comme de la tienne à qui il manque quoi, viens à moi si j'imite, jeune singe, ton pas. Ce monde est un brouillon, vienne à moi, indomptable souillon, je ne suis pas doué avec les couleurs et les courbes, seul le sens me sied et toi il t'insupporte, seul le sens te sied et moi il m'insupporte, ce monde est un brouillon il est ici non-sens, c'est ce qui fait aimer les gentils fous le faible, un temps, c'est l'erreur de Solal pas d'Ariane. Allez viens à moi, idiote présomptueuse car c'est ainsi que vérité, immaculée ou noire, seul se peut concevoir. Viens, nous, nous serons enfin seuls, les premiers seuls, cède aux odieux chantages car il est des sources et des sentes. N'oublie pas qu'il est des surprises. Au dehors, et en dedans. Et depuis le dehors nous serons celles-là, celle là. Viens à moi petite sœur des pauvres, moitié de la surprise heureuse ou pas du monde. Viens à moi, ce monde est un brouillon et je ferai assumer ça, cela n'a rien d'un exercice. Ejercito ejercita cela a tout d'un exercice. Viens à moi drôle, irresponsable, ma fidèle infidèle, chienne de ma vie. Viens à moi amazone. Viens à moi andalouse la pérouse, colombine. Vite dépêche-toi il vont sortir les carabins. Viens à moi longue ou courte ou très courte, paresse, foulée. Nos orteils dans le sable. Viens à moi, rosse, biscarosse brune ou va-t'en savoir si ça se trouve blonde, viens à moi où je ne t'attends pas je t'y attends un brin tu me devines si bien. Viens, toujours et pour toujours nos orteils dans le sable. La source sourd quand la tempête point, j'aurais pu dire le grain mais non et puis tu diras "prout" moi la plage mouillée. Ton pas ou pas, toujours et pour toujours nos orteils dans le sable. Sentence pour sentence et les enfants contents. Sors de ta touffe. Aborde-moi. Je ferai doucement sauter le bracelet à ta cheville. Je jetterai peut-être et pas très loin, la bague grecque. Toi un brin d'herbe sèche moi un mégot trouvé. J'entends toujours ton rire. Course, courses, file, indienne, indiens, ou empreinte laissée, toujours, et pour toujours, oui, nos colères dans le sable. Alors oui, toujours et pour toujours et les enfants contents. La voiture garée, toujours et pour toujours et les enfants contents. La foule bigarrée, toujours et pour toujours et les enfants contents. Et, à la fin des combats ou pour les longues pauses -j'ose-, ma petite bite pour toi dressée. Toujours et pour toujours nos orteils dans le sable, tes cheveux à tes yeux chamarrés trou de feignasse indigène affamée, et les enfants contents.